samedi 21 septembre 2013

Esprit d’hiver

Laura Kasischke

Christian Bourgois 2013


Traduit de l'américain par Aurélie Tronchet

Grand prix des Lectrices de Elle 2014

☀ 


Avec un talent certain, Laura Kasischke dépeint un foyer où règne une atmosphère chargée de tension et de mystère.


Pas facile de faire la critique de ce roman vers lequel je ne me serais pas spontanément dirigée.
L’envie de le lire m’est venue en découvrant les nombreux éloges qui en étaient faits. J’étais en revanche très peu attirée par la veine intimiste dans laquelle il s’inscrivait : une femme se retrouve seule chez elle avec sa fille le jour de Noël et leur relation va, semble-t-il, basculer.
J’avoue que je suis assez peu sensible à ce type d’univers en huis-clos. Je préfère de loin les récits offrant une ouverture sur le monde, apportant un éclairage sur un événement historique ou sur la société.

Mettant mes a priori de côté, je me suis donc placée en observatrice de ce duo mère-fille. D’emblée, on sent une étrangeté, quelque chose d’un peu troublant entre ces deux personnages, que l’on met sur le compte à la fois de la période dans laquelle est en train d’entrer Tatiana, 15 ans, qui cherche tout naturellement à s’émanciper de sa famille, et en particulier de sa mère, qui entretient avec elle une relation exclusive; mais aussi sur le compte d’Holly, dont on découvre qu’atteinte d’une maladie génétique qui a décimé tous les membres féminins de sa famille, elle a fait l’objet d’une ablation des ovaires, la privant de la possibilité de procréer. Tatiana est donc une enfant adoptée, et l’on apprend peu à peu quelles ont été les conditions de son adoption, au fin fond de la Sibérie. Là se situe même l’épicentre de la tension psychologique qui se noue entre les deux femmes. Holly sent confusément que quelque chose s’est alors passé, qui aurait modelé leur relation. Quelque chose qu’elle ne parvient pas à formuler, qu’elle aurait repoussé aux confins de sa conscience.

Sans avoir été réellement captivée par le récit des événements, je suis toutefois entrée très facilement dans ce texte que j’ai lu avec un certain intérêt. Je me suis peu à peu laissé prendre par cette atmosphère ouatée, de plus en plus en plus oppressante à mesure que le roman avance. Dans la dernière partie du livre, le climat devient même inquiétant, et c’est avec un trouble certain que l’on atteint le dénouement, qui jette de manière fulgurante un éclairage nouveau et saisissant sur l’ensemble du récit.
Alors je n’irai pas jusqu’à suggérer, comme François Busnel dont les propos sont cités en quatrième de couverture, que Laura Kasischke serait «le grand écrivain contemporain», mais il est certain que cet auteur maîtrise absolument l’art de peindre le malaise tapi au fond d’un individu et le combat intérieur auquel celui-ci peut se livrer pour tenter de dompter ses démons. A ce titre, la lecture d’Esprit d’hiver vaut en effet la peine.




2 commentaires:

  1. j'aime bien un huis-clos de temps en temps... cette atmosphère pesante... brrrr! J'ai bien aimé ce roman.

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  2. Que l'on aime le genre ou pas, il faut reconnaître une excellente maîtrise de l'auteur en la matière !

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