dimanche 8 décembre 2013

Moscou-Babylone


Owen Matthews

Les Escales, 2013


Roman traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerre



Un roman qui se lit d'une traite, nous proposant une vision décadante mais non dénuée d'humour du Moscou de l'ère post-communiste.


Le titre de ce roman est sans équivoque. L’auteur nous convie à un voyage dans la capitale russe, à un moment particulier de son développement : nous sommes dans les années 90, après la Glasnost, alors que Gorbatchev a cédé la place à Eltsine et qu’une nouvelle caste est en train de s’emparer du pouvoir. A l’austérité de l’ère communiste a succédé une ère que l’on qualifierait aujourd’hui de «bling-bling» où les signes extérieurs de richesse font l’objet d’une surenchère effrénée.  

C’est dans ce cadre que vient s’introduire Roman Lambert, jeune citoyen britannique tout juste diplômé d’Oxford, russe par sa mère, qui, las de sa vie londonienne sans éclat, s’envole pour Moscou, à la recherche d’une vie qu’il imagine plus flamboyante.

Au début du roman, les images se superposent entre une Russie éternelle, celle du narrateur, qui a lu Tolstoï et Dostoïevski, et le pays qu’il découvre, dans lequel des hommes ayant rapidement fait fortune se livrent à des soirées orgiaques et ne semblent  connaître ni limite ni morale. Moscou est alors une sorte d’eldorado où se mêlent des hommes de tous horizons, de toutes nationalités.

Roman raconte son irrésistible ascension. Plus ou moins fasciné par les bad boys qu’il côtoie, il se rêve comme eux, tout en ayant conscience qu’il lui est moralement impossible d’y parvenir. De par son origine étrangère, il vit un décalage entre ce qu’il est, ce qu’il  s’était imaginé et ce qu’il rencontre.
Et c’est là la force de ce roman. Comme d’autres avant lui, - et c’est aussi le cas notamment de Patrick McGuinness dans Les cent derniers jours
- Owen Matthews use de ce procédé ultra-classique, mais ô combien efficace, qui consiste à sortir un personnage de son milieu pour le propulser dans un autre, extrêmement différent. Ainsi peuvent être mis en lumière certains caractères d’un pays et d’un peuple, émanant d’une tradition, d’une culture, de contraintes géographiques ou climatiques, dans un tableau mêlant à la fois humour et tendresse.

Ce qui est particulièrement intéressant ici c’est que le dialogue entre deux cultures se double de celui entre un pays rêvé, la Russie de l’époque tsariste, et la Russie post-communiste. Pris en étau, Roman a du mal à trouver sa place. Il perd ses propres repères et, dans une réminiscence sans doute des héros dostoievskiens, en vient à accomplir un meurtre qui le dépasse, dont il ne serait que l’instrument d’une justice qu’il ne contrôle pas.

Avec talent, Owen Matthews nous offre le portrait d’une ville qu’à n’en pas douter il aime profondément, en dépit de ses travers et de ses excès. Dans une sorte de postface, il prend soin toutefois de nous rappeler qu’il s’agit d’un roman, et donc d’une vision personnelle qui ne saurait prétendre à l’universalité.
En tout cas, un roman réussi !


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