lundi 9 juin 2014


La nuit de Maritzburg

Gilbert Sinoué 

Flammarion, 2014




Découvrez Gandhi sous un jour inattendu...

Ce n’est pas le premier de livre de Sinoué que je lis, et j’apprécie généralement son talent de conteur. En outre, le personnage de Gandhi, dont il retrace les années de formation, suscitait grandement mon intérêt. En effet, si je connais comme tout le monde cet apôtre de la non-violence, j’ignorais en revanche tout de sa personnalité et de sa trajectoire.

De ce point de vue, ce livre est tout à fait instructif: loin du personnage certes déterminé mais indulgent que l’on pourrait imaginer, on y découvre un Gandhi autoritaire et intransigeant plutôt inattendu... du moins au premier abord. Car si on y réfléchit bien, non-violence ne veut certainement pas dire indolence. Sinon, comment aurait-il pu faire plier la nation anglaise pour obtenir l’indépendance de son pays ?

C’est donc en Afrique du Sud que Gandhi a initié et affûté l’arme de la non-violence pour faire respecter les droits des Indiens qui s’y trouvaient alors et subissaient une discrimination. Sinoué nous permet de comprendre la stratégie de Gandhi : en refusant de s’opposer de manière frontale à l’oppresseur, il poussait ce dernier vers ses limites et ses contradictions, et le contraignait à devoir assumer les conséquences de sa politique au-delà de ce qu’il avait lui-même envisagé et de ce qu’il était en capacité de gérer. Il se voyait ainsi déstabilisé par une forme de résistance passive à laquelle il n’était pas préparé et ne savait clairement comment répondre. 

Il fallait sans doute une personnalité telle que celle de Gandhi pour que cette conception de la lutte aboutisse au succès que l’on sait. A lire le livre de Sinoué, «obstination» paraît un terme bien faible pour caractériser le Mahatma. Là où l’on s’attendait à découvrir un être d’une infinie tolérance, on voit un homme s’infligeant une hygiène de vie extrêmement stricte, voire d’une cruelle sévérité. Surtout, on apprend qu’il imposait à son entourage de suivre les règles qu’il avait édictées, n’hésitant pas à mettre leur vie en danger pour ne pas y déroger. C’est le portait d’un homme déterminé mais tyrannique qui nous est brossé.

Enfin, Sinoué nous fait toucher les limites de la philosophie de Gandhi lorsqu’à la fin du récit, il reproduit une lettre qu’il adressa à Hitler en juillet 1939. Interpellant son «cher ami» au nom de la sauvegarde de l’humanité, il le conjure en des termes fort déférents de tout faire pour éviter que n’éclate à nouveau la guerre. On imagine sans peine le crédit qu’accorda Hitler à un tel courrier...

Si le récit m’a parfois semblé un peu poussif, il offre néanmoins un intérêt historique et permet de mieux comprendre comment l’arme de la non-violence, qui pourrait paraître  vaine face à un oppresseur, peut permettre d’accéder à la victoire. Pour autant, une telle posture exige d’être inflexible et n’est pas sans faire de victimes. 
Un livre qui permet d’amorcer une réflexion intéressante.

2 commentaires:

  1. Tu n'avais pas vu le film d'Attenborough ? il montrait bien le démarrage en Afrique du Sud et les contradictions de l'homme qui faisait plier tout son entourage à son désir à lui. Tous les hommes ont leur zone d'ombre ..

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    1. Oui, mais j'étais très jeune et j'avoue n'en conserver qu'un souvenir flou, mise à part la prestation de Ben Kingsley, étonnant de mimétisme... Et je ne me souviens plus du tout du démarrage en Afrique du Sud !

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