dimanche 1 janvier 2017

La danse de l’araignée

Laura Alcoba

Gallimard, 2017



Où l'on retrouve l'héroïne des précédents romans de Laura Alcoba au seuil de l'adolescence

C’est avec un réel plaisir que j’ai retrouvé le personnage de la petite Laura, dont j’avais suivi le parcours en Argentine, sous la dictature, puis l’arrivée en France avec l’apprentissage d’une langue nouvelle. Dès les premières lignes, j’ai éprouvé un sentiment de complicité, comme si je retrouvais quelqu’un de cher, dont je n’aurais pas eu de nouvelles depuis longtemps. J’ai lu Manèges et Le bleu des abeilles dans l’ordre inversement chronologique à leur écriture et aux événements qu’ils relatent. Aussi, en retrouvant Laura, désormais à l’aube de l’adolescence, ayant quitté le Blanc-Mesnil pour venir s’installer à Bagnolet - presque Paris ! -, avais-je vraiment l’impression de l’avoir quittée deux ou trois ans auparavant.

Nous sommes au début des années 80. L’auteure nous replonge dans cette époque où les grandes surfaces ne s’appelaient pas encore Auchan mais Radar Géant - un nom que Laura Alcoba fait remonter du tréfonds de ma mémoire et qu’elle se plaît à répéter à l’envi comme pour redonner chair à la période disparue de son enfance - qui correspond aussi à la mienne. Elle nous raconte la manière dont elle a vécu la soirée de l’élection de Mitterrand, le 10 mai 81, un moment dont tous ceux qui l’ont connu conservent un souvenir précis, rattaché peut-être à un détail anodin - ici l’emplacement de la télévision, posée par terre, qui donnait l’impression, au moment où le portrait du nouveau président de la République se dessinait sur l’écran (comment oublier cette image ?), que son visage sortait directement des poils de la moquette.

Elle évoque également des épisodes intimes, mais ô combien marquants pour une toute jeune fille : l’achat du premier soutien-gorge (une étape si délicate !) ; son face-à-face avec un exhibitionniste, dans le hall de son immeuble, qui la pétrifie littéralement ; la première fois où elle invite avec sa bande de copines des garçons à venir goûter, avec toute la maladresse qui entoure un tel événement...  

Une enfance classique, en somme ? 
Pas tout à fait. Car le père de Laura est resté en Argentine, où il est emprisonné. La petite fille vit au rythme de leurs échanges épistolaires. De loin, depuis l’autre côté de l’Atlantique, son père l’incite à lire, car il sent bien que les livres ne sont plus au centre de  son existence et qu’elle a d’autres préoccupations, sans doute plus légères. Dans ces lettres, ils se parlent comme s’ils étaient l’un près de l’autre. Ou peut-être avec plus de sincérité et d’aisance encore que s’ils vivaient sous le même toit... Il se tisse entre eux, par-delà la distance et la surveillance policière, une relation d’une grande intensité.
On ne peut qu’être impressionné par la maturité de cette enfant qui semble accepter le sort de son père avec une incroyable abnégation. C’est qu’elle se l’est construite à force de volonté et de courage, cette existence ordinaire de collégienne française à laquelle elle tient tant... Mais lorsque les émotions si longtemps contenues pourront enfin s’exprimer, plus rien ne pourra endiguer le flot des larmes. 
Et le cœur du lecteur vibrera à l’unisson de celui de la petite Laura.


J'ai eu la chance de rencontrer Laura Alcoba. Retrouvez notre entretien ici


26 commentaires:

  1. Je suppose que c'est mieux de les lire dans l'ordre ? Tu donnes très envie de les découvrir.

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    1. Oui, en effet. D'autant que les deux premiers sont en poche ;-)

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  2. Je n'ai lu que le premier mais je retrouverai la petite Laura avec plaisir, c'est une certitude.

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    1. Le deuxième est une petite merveille... le troisième aussi ;-)

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  3. Comme Aifelle, je crois que je commencerai par le premier !

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    1. Du coup, c'est une chance, tu auras la possibilité de lire les trois d'affilée !

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  4. Vous l'avez eu en avant-première ?

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  5. Quelle réactivité ! Je vais le lire bientôt !

    Bonne année de lectures Delphine !

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  6. Très envie de découvrir cette histoire argentine. Si j'ai bien compris, il vaut mieux commencer par Manèges?

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    1. Pour ma part, j'avais commencé par Le bleu des abeilles, et cela ne m'a posé aucun problème. Je pense qu'on peut les lire indépendamment. Mais disons que les lire dans l'ordre donne de la profondeur au récit. D'autant que ce sont des formats qui ne sont pas exagérément longs. On peut donc très bien lire les trois d'affilée sans risque de saturer, selon moi.

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  7. Je suis ravie de ton avis, car j'ai beaucoup aimé Le bleu des abeilles, et j'ai bien prévu de retrouver Laura aussi !

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    1. N'est-ce pas qu'il était beau ce livre ? Tu devrais, comme moi, apprécier ces retrouvailles !

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  8. Je ne suis pas fan de romans avec des enfants. Tu crois que je peux lire celui-ci sans passer par les tomes précédents?

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    1. Oui, Valérie, je le pense. J'avais moi-même lu le précédent sans avoir lu le premier.
      C'est vraiment une très jolie voix.

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  9. j'ai bien aimé Le bleu des abeilles, je lirai sans doute celui là!

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  10. Il me tentait mais je vais commencer par le début

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  11. Très chaudement recommandé, les derniers chapitres sont magnifiques, très émouvants. J'ai préféré "Le bleu des abeilles" parce que c'est certainement l'un des plus beaux chants d'amour à la langue française, mais celui-ci m'a également complètement emballé. Quel talent dans l'écriture, on a là une très grande écrivaine.

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    1. On ne saurait mieux dire ! Je partage totalement cet avis, et j'ai aussi beaucoup aimé Le bleu des abeilles. J'ai, depuis, eu la chance de rencontrer l'auteure, pour un échange qui s'est révélé passionnant. Une restitution en est disponible sur le blog. Si vous avez aimé l'auteure, cela pourrait vous intéresser...

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    2. Oui je viens de le lire. C'est une vraie chance de rencontrer une telle personne!

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  12. Je me trompe en disant que c'est une trilogie? Si tel est le cas, quel est l'ordre, histoire que je fasse bien les choses!

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    1. Manège, Le bleu des abeilles et La danse de l'araignée. Tant qu'à faire, en effet, lis-les dans l'ordre. Mais, pour ma part, j'ai commencé par le deuxième, avec lequel j'ai découvert l'auteure. Ce n'était pas gênant, et j'ai adoré ce deuxième volume (il y a un billet ;-)

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